Yara, fin de l’omerta
Hier, nous étions présent·es à Saint-Nazaire aux côtés d’autres associations et collectifs pour exiger plus de transparence quant au devenir de Yara, dont le site de Montoir-de-Bretagne, après avoir été épinglé pour ses pollutions et nombreux manquements aux règles de sécurité, doit devenir un site de stockage d'engrais importés.
Yara : des superprofits coupables
98% des engrais de synthèse étant fabriqués à partir d’énergies fossiles1, l’industrie des engrais entretient des liens étroits avec celle des énergies fossiles. Par ailleurs, les engrais chimiques portent une lourde responsabilité dans l’aggravation et l’accélération des dérèglements climatiques, car leur épandage émet dans l’atmosphère du protoxyde d’azote, un gaz au pouvoir 265 fois plus réchauffant que le CO2. Les chiffres ne trompent pas : en France, les engrais sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole2. C’est même le premier responsable de l’impact climatique du secteur agricole, car ce sont les engrais chimiques qui permettent l’existence de l’élevage industriel fortement émetteur de gaz à effet de serre. En effet, 80% des engrais servent à produire de l’alimentation pour les animaux d’élevage3.
Et pourtant, il en faut plus pour arrêter Yara, premier producteur mondial d’engrais azotés. Malgré la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie et donc sur les prix des produits alimentaires, Yara avait multiplié ses profits par six entre 2021 et 20224. Pendant ce temps, d’après le directeur de Programme Alimentaire Mondial, 70 millions de personnes étaient au bord de la famine suite à la guerre en Ukraine, principalement en raison de la hausse des prix des engrais5.
Prix Pinocchio : Yara, leader des engrais chimiques est sacré vainqueur
Une manifestation pour obtenir des réponses : YARA quoi ici ?
Hier, devant la sous-préfecture de Saint-Nazaire, les Amis de la Terre France, l’association environnementale dongeoise des zones à risques et du PPRT (AEDZRP), l’Association des habitant·es de Gron, Attac, Bretagne vivante, le Comité Stop Bure en Retz, Hord’laLoire, la Ligue des Droits de l’Homme, les Soulèvements de la Terre, Vivre à Méan-Penhoët, Terre et mer pour l’avenir du vivant, l’Union syndicale Solidaires, et Natur-action, se sont réunis sous une même bannière pour exiger des réponses quant à l’avenir du site. Les collectifs locaux craignent de nouvelles pollutions et un risque explosif accru à cause du potentiel stockage en larges volumes d’ammonitrates haut dosage.
Ce rassemblement, où l’on pouvait lire sur des panneaux « Yara quoi ici ? Les ammonitrates de Beyrouth ? Les engrais de Poutine ? Des particules fines ? », a réuni environ 100 personnes. Plusieurs prises de parole ont eu lieu pour dénoncer les ravages environnementaux liés aux engrais et les impacts sanitaires dévastateurs de cette industrie, sans oublier le risque que l’usine de Yara fait peser sur la sécurité des populations riveraines.
Cette usine est supposée devenir un entrepôt géant de stockage d’ammonitrates, des engrais chimiques hautement explosifs, responsables notamment de la destruction du port de Beyrouth6 et de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse7. Hormis le risque évident pour la sécurité des populations riveraines de l’usine de Montoir-de-Bretagne, ce projet d’entrepôt de stockage est également incohérent avec la stratégie française de baisse de 30% de consommation de la consommation d’engrais chimiques en France, officialisée le jour du rassemblement dans la nouvelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
Ce rassemblement a été organisé en vue d’une commission de suivi de l’usine de Yara à Montoir-de-Bretagne, le 6 décembre, en présence des services de l’État et des cadres dirigeants de la multinationale.
« L’État doit enfin faire preuve de respect pour les populations sacrifiées par Yara et apporter des réponses à nos questions sur l’avenir de ce site qui nous concerne tous : les travailleurs et riverains de cette usine qui sont en première ligne des pollutions et du risque explosif, et la population au sens large, victime des rejets toxiques des engrais et de leurs impacts climatiques. »
À quand la fin de l’omerta ?
Conjointement avec les autres associations et collectifs présents sur place lors du rassemblement, les Amis de la Terre exigent de l’État qu’il fasse toute la lumière sur l’avenir de l’usine de Yara à Montoir-de-Bretagne. Nous exigeons la vérité sur :
- Les conditions de travail des ouvrier·es de Yara à Montoir-de-Bretagne. Nous souhaitons particulièrement obtenir des réponses sur les deux morts sur le site89.
- Le futur du site : les produits amenés à y être stockés, les volumes gérés, les risques (explosifs et en termes de pollutions), la provenance des engrais ainsi que le plan de sécurisation du site.
À retenir
Il est temps qu’une prise de conscience ait lieu sur les impacts de l’industrie des engrais sur notre santé et notre environnement. La solution se trouve dans le développement de l’agroécologie, pour une meilleure résilience de nos sols, une véritable souveraineté alimentaire et une meilleure qualité de notre alimentation !
Seyedehhoma Ghavam, Maria Vahdati, I. A. Grant
Wilson, et Peter Styring, “Sustainable Ammonia Production
Processes” Frontiers in Energy Research 9, March 2021. 98% de l’hydrogène nécessaire à sa fabrication est fait à partir d’énergies fossiles.
Rapport Secten 2022 du CITEPA
Sutton et al, the European nitrogen assessment : sources, effects and policy perspective, 2011
Yara a cumulé sur l’année 2022 des bénéfices de 2,78 milliards de dollars, contre 384 millions de dollars en 2021.
Conseil de sécurité : Le directeur exécutif du PAM alerte que la crise alimentaire mondiale risque « d’échapper à tout contrôle », Nations Unies, 15 septembre 2022
Drame de Beyrouth : le nitrate d’ammonium, un engrais explosif, Le Monde, 5 août 2020
Derrière la catastrophe d’AZF, la surconsommation d’engrais azotés en France, Reporterre, 21 septembre 2021
Près de Saint-Nazaire. Un mort et un blessé au sein de l’usine Yara, Ouest France, 7 décembre 2018
Une enquête en cours après le décès d’un intérimaire sur le site de l’usine Yara en Loire-Atlantique, Le Figaro, 7 novembre 2023